Le futur statut de bailleur privé
Contexte et objectifs
- Face à la désertion des bailleurs privés (chute des ventes dans le neuf de 41 % au début de 2025), l’État souhaite relancer l’investissement locatif en instaurant un statut fiscal plus sûr et incitatif pour les bailleurs particuliers.
- Une mission parlementaire (rapporteurs : Marc-Philippe Daubresse et Mickaël Cosson) a remis ses conclusions au gouvernement le 30 juin 2025, posant les bases d’un cadre structurant.
Principales mesures proposées
- Amortissement fiscal étendu à la location nue
- Jusqu’ici réservé au meublé (LMNP), l’amortissement serait accessible à la location nue.
- Taux proposés : 5 % par an sur 80 % de la valeur du bien (hors foncier) pour le neuf, 4 % pour l’ancien (avec travaux ≥ 15 % de sa valeur).
- Bonus de 0,5–1,5 % selon le niveau de loyers pratiqués (intermédiaire, social, très social).
- Micro-foncier simplifié
- Abattement forfaitaire revu à 50 % (contre 30 % actuellement).
- Plafond du régime porté à 30 000 € de revenus locatifs annuels (contre 15 000 €).
- Déficit foncier rehaussé
- Plafond d’imputation sur le revenu global relevé à 40 000 € par an, contre 10 700 € actuellement.
- Exonérations ciblées
- IFI : les biens en location (résidence principale du locataire) pourraient être exclus de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière.
- Plus-value : exonération totale après 20 ans de détention, au lieu de 22 à 30 ans actuellement.
- Autres incitations possibles
- Tarification préférentielle pour un engagement locatif long (6 à 9 ans), avec abattements de 15 à 25 % sur les loyers imposables.
- Avantages pour les travaux de rénovation énergétique (abattement ou crédit d’impôt, cumulable avec MaPrimeRénov’).
Calendrier prévisionnel
Étape |
Date envisagée |
Adoption par le Parlement dans le cadre du Projet de Loi de Finances 2026 |
Automne 2025 |
Entrée en vigueur possible |
1er décembre 2025, pour les biens acquis ou transmis après cette date |
Adoption effective, début d’application législative |
Début 2026 (selon avancement législatif) |
Impacts attendus
- Stimulation de l’investissement locatif : jusqu’à 90 000 logements locatifs supplémentaires par an d’ici 2030 (neuf et rénové).
- Emplois générés : jusqu'à 100 000 emplois dans le BTP, la gestion locative et les services.
- Effet budgétaire positif : gain estimé à 500 millions d’euros dès 2026, puis jusqu’à 1,9 milliard €/an à partir de 2027 (via TVA sur neuf, droits de mutation sur l’ancien).
Points de vigilance
- Cohérence économique questionnée : des économistes (cabinet Asterès) estiment que les projections sont optimistes, sous-évaluant les coûts de rénovation ou vacance locative.
- Conditions d’accès à clarifier : potentiels critères énergétiques (DPE), loyers plafonnés, durée de location, travaux obligatoires… restent à affiner ou valider.
Néanmoins, ce projet est largement critiqué par une partie des forces politiques. En effet, il peut lui être reproché plusieurs risques.
- Un dispositif trop favorable aux propriétaires aisés
- Les avantages (amortissement, exonération d’IFI, plus-values réduites) bénéficieraient surtout aux ménages déjà fortunés capables d’investir dans l’immobilier.
- Risque d’effet d’aubaine : beaucoup de bailleurs qui auraient de toute façon investi profiteront de la niche fiscale, sans créer de logements supplémentaires.
- Inégalités accrues avec les locataires, qui eux subissent déjà des hausses de loyers et une raréfaction de l’offre.
- Des projections économiques jugées optimistes
- Le rapport d’impact chiffre à +90 000 logements/an l’effet attendu, mais des économistes soulignent que ces prévisions sous-estiment les coûts réels (rénovation énergétique, vacance locative, charges croissantes).
- Le gain budgétaire annoncé pour l’État (jusqu’à 1,9 Md€ par an) est jugé peu réaliste si la dynamique de construction reste atone.
- Risque de complexité et de superposition
- Alors que l’objectif affiché est la simplification, on risque en réalité une superposition avec les régimes existants (LMNP, Pinel résiduel, déficit foncier classique, dispositifs ANAH…).
- Les conditions d’accès (plafonnement des loyers, durée d’engagement, niveau de DPE exigé, etc.) ne sont pas encore stabilisées → incertitude juridique et fiscale.
- Peu d’effet sur l’accessibilité des loyers
- Le bonus fiscal lié au loyer « social » ou « intermédiaire » (+0,5 à 1,5 % d’amortissement) est jugé faible incitation à pratiquer des loyers réellement abordables.
- Risque que la réforme n’augmente pas significativement le nombre de logements à loyers modérés.
- Impact limité sur la rénovation énergétique
- Bien que des abattements ou bonus soient évoqués pour les travaux, beaucoup craignent qu’ils soient insuffisants face aux obligations de rénovation imposées par la loi Climat et Résilience (interdiction de louer les DPE G dès 2025, F dès 2028).
- Les bailleurs pourraient préférer investir dans du neuf éligible à l’amortissement plutôt que rénover de l’ancien énergivore.
- Manque de visibilité politique et juridique
- Les contours exacts dépendent du Projet de Loi de Finances 2026 d’où l’incertitude sur ce qui sera réellement voté.
- Risque de réforme instable : comme les dispositifs antérieurs (Besson, Borloo, Scellier, Duflot, Pinel…), ce statut pourrait être modifié tous les 3–4 ans, ce qui décourage les investisseurs de long terme.
- Crainte d’un coût fiscal élevé pour l’État
- Si l’effet d’aubaine domine, l’État perdra des recettes fiscales sans gain significatif en logements.
- Certains craignent une « niche fiscale de plus » dans un contexte budgétaire tendu.
Les critiques portent sur le caractère potentiellement inégalitaire, l’effet d’aubaine, la complexité réglementaire, et le décalage entre les ambitions affichées et l’impact réel attendu sur la crise du logement (loyers, rénovation, offre nouvelle).
Le futur statut du bailleur privé est une réforme fiscale ambitieuse, destinée à simplifier, et à unifier le neuf et l’ancien, et aussi à inciter les bailleurs — via amortissements, abattements et exonérations — à louer plus de logements, notamment en zones tendues. Son application est pressentie pour décembre 2025 sur les nouveaux investissements, via la loi de finances 2026. Cependant son efficacité dépendra de la robustesse des conditions d’accès, de sa clarté juridique et de la réalité économique des projets.
Cette Loi, attendue par de nombreux bailleurs, n’est peut-être pas prête à être votée, et alors pas en l’état.